L’Empire

Les Dieux Jumeaux

Au commencement, les humains vivaient comme des animaux, de chasse et de cueillette, dans les terres vierges d’Ilburia. Ils subsistaient comme ils le pouvaient aux côtés des Féhérides, bien plus avancés tant d’un point de vue technique que culturel. On raconte même que certains d’entre eux prenaient des humains comme animaux de compagnie.

Puis un jour les Dieux Jumeaux descendirent des cieux, et prirent en pitié les pauvres créatures qu’étaient les humains. Ils leur firent don de leur plus précieux cadeau : la Magie. Mais cela ne suffisait pas, et ils décidèrent de regrouper les humains sous une unique bannière d’or et d’azur ; celle de leur Empire.

Au début, tout se déroula pour le mieux, et les villes et châteaux poussèrent de nulle part comme des champignons. Partout où les Dieux passaient s’élevaient derrière eux des merveilles insoupçonnées. Les Impériaux priaient et vénéraient leurs bienfaiteurs avec un zèle exacerbé, et retranscrivaient leurs préceptes de bonté, d’entraide, de puissance et de grandeur.

Hélas, cela ne dura pas bien longtemps. Jaloux, les Féhérides attaquèrent leur œuvre parfaite, tentant de réduire l’Empire à néant. La Grande Guerre fit rage, et si à l’issue de cette dernière les humains furent victorieux, le prix à payer fut amer… Les Dieux Jumeaux s’en étaient allés, las de cet affrontement terrible dont on dit que tant de sang avait été versé que les rivières étaient restées teintées de rouge des mois durant.

Les Dieux étaient partis, mais l’Empire était sauf. Désormais, tout humain sait que sa mission sacrée est de faire perdurer la nation des Hommes aussi longtemps que possible. Et peut-être – qui sait ? – qu’un jour les Dieux reviendront…

Blason de l’Empire : d’azur, aux silhouettes jumelles d’or auréolées

L’Empereur

Durant l’Âge des Dieux, ces derniers décidèrent que l’Empire des Hommes devait être gouverné par l’un des leurs, qui les guiderait et leur servirait d’exemple. De leurs regards divins, traversant les cœurs et les âmes, ils trouvèrent le plus noble et le plus droit d’entre eux et lui offrirent une couronne d’or ornée d’ailes d’argent. Il était Aurélion Cœur-de-Griffon, le premier Empereur.

Afin que nul ne puisse jamais remettre en doute que lui ou sa descendance fut choisi par leurs augustes personnes, les Dieux dotèrent Aurélion d’un pouvoir unique et héréditaire : le Rétablissement de l’Empereur. Ce don divin permettait de soigner n’importe quelle maladie ou affliction, accordant immédiatement une immense popularité à ce dernier – et une foule nombreuse aux portes de sa demeure.

L’Empereur est le parangon de la race humaine. Fort, intelligent, sage, charismatique et bâti comme un roc prêt à défier l’océan. Il est le représentant ultime des Dieux Jumeaux sur Ilburia, et sa parole fait loi. Il possède tous les pouvoirs, que ce soit religieux, législatif, exécutif ou judiciaire. Les seuls qui puissent rivaliser avec son pouvoir sont les Mages de la Confrérie.

Depuis le départ des Dieux, la lignée des Empereurs perdure tant bien que mal à travers les millénaires, avec des hauts et des bas, mais jamais brisée comme l’en atteste le Rétablissement de l’Empereur.

C’est lui qui assure l’hégémonie humaine et assure l’unité de l’Empire et son administration. Mais l’Empereur n’est pas forcément qu’un dirigeant enfermé dans les hautes sphères du palais d’Heinburud ; certains d’entre eux ont déjà mis fin en personne à des épidémies et des affrontements fratricides.

L’Empereur actuel, en l’an de grâce 3301, est Garrus Cœur-de-Griffon, un colosse maniant aussi bien le verbe que son immense épée Grégalia. Il possède un unique héritier – comme le veut la tradition – portant le nom de Garrett.

La Légende d’Ilburia

Il était inconcevable que les exploits des Dieux sombrent dans l’oubli, ou que l’histoire de l’Empire soit colportée et déformée au fil des générations. Pour empêcher cette triste infamie, Aurélion Cœur-de-Griffon le premier Empereur décida que toute l’histoire du peuple des Hommes soit consignée dans un très saint livre, accessible à tous, afin que perdure la mémoire des Dieux et les erreurs du passé ne redeviennent pas celles du futur.

Un bataillon de scribes Impériaux commença alors la rédaction de la « Légende d’Ilburia », qui fut présenté au monarque suprême un an à peine après la fin de la Grande Guerre. Satisfait, Aurélion déclara qu’à compter de ce jour, tout homme ou femme de l’Empire devra savoir lire afin de pouvoir réaliser la tâche sacrée du souvenir.

Une armée de copistes s’attela alors à la tâche dantesque que de dupliquer le très saint livre pour le diffuser au sein de tout l’Empire et même au-delà.

Au fur et à mesure des siècles, des chapitres furent ajoutés pour constituer aujourd’hui un épais ouvrage, témoin des millénaires de droiture et de piété que les Hommes ont traversés sous le regard lointain de leurs Divinités Jumelles adorées.

Les familles

Depuis la fin de la Grande Guerre contre les Féhérides il y a trois mille ans, l’Empire connait une période de paix globale. Toutefois, cela n’a pas empêché les inégalités sociales de se creuser. Entre le paysan qui passe sa vie à cultiver son champ et à s’occuper de ses bêtes pour avoir de quoi passer la saison de la Guivre au chaud, et le riche marchand qui planifie ses routes commerciales pour les cinq prochaines années, il y a un monde. Pourtant, dans les deux cas les liens du sang ne sont pas pris à la légère, et chacun essaye de préserver ses descendants en garantissant l’avenir de sa famille.

À proprement parler, il n’y a pas de « noblesse » officielle dans l’Empire, mais force est de constater que tous les citoyens de l’Empire ne se sentent pas concernés de la même façon par leur lignée. Les familles qui ont acquis au fil des décennies, des siècles ou même des millénaires, suffisamment d’influence ou de richesse ont obtenu une meilleure place dans la société, que ce soit par l’obtention de terres, d’un rôle hiérarchique, ou simplement d’une renommée. Dans la vie de tous les jours, il est courant de s’adresser aux personnalités influentes en les appelant « sire » ou « dame » en signe de respect.

Cependant, même la plus puissante des familles n’oublie pas que son rayonnement est fragile, et qu’un simple mot de l’Empereur peut suffire à la faire chuter. Ainsi, si la principale préoccupation des petites familles est de gagner en influence, celle des familles qui y sont parvenues est de la conserver. La pire crainte d’une famille est que sa lignée s’éteigne et disparaisse dans l’oubli, et que ses rivales se partagent ses biens comme des vautours.

Certaines familles, telles que les Vénédis ou les Livna, s’appuient sur la richesse et développent le commerce de leur région. D’autres sont honorées pour leurs prouesses martiales en défendant les frontières de l’Empire contre les créatures sauvages les plus abjectes. Les Autray de Tolémek en font partie. Enfin, des familles tirent leur épingle du jeu en courtisant d’autres seigneurs plus puissants et en vendant des informations précieuses. Dans tous les cas, elles ont un poids à leur façon dans la politique Impériale.

Un fier chevalier de l’Empire sur son destrier de combat

Les Lordens

Les Lordens de l’Empire, leur chef-lieu et leur blason respectif

Si l’Empereur est tout-puissant, il n’a pourtant pas le don d’ubiquité, et il a été décidé de diviser l’Empire en régions appelées Lorden, chacune administrée par un Lord issu d’une illustre famille digne de la confiance Impériale.

L’Empire compte sept Lordens, formant ainsi un état fédéral. Les trois du nord sont Norgac, Stanford et Fonrinet. Les trois du sud sont Tolémek, Effendor et Abracaz, et le plus grand et central est Glainrud, qui est directement dirigé par l’Empereur. Les Lords des six autres Lordens sont désignés par l’Empereur en personne, qui a également le pouvoir de les révoquer à n’importe quel moment. Pourtant, dans les faits, le titre de Lord est héréditaire et il est rare qu’une famille soit déchue de son titre sans raison.

Le Lorden de Norgac contrôle la passe nord de la Cordillère des Pics Blancs, et est un territoire hostile pris dans les glaces. Il n’est pas rare que des créatures venues des confins septentrionaux viennent semer le trouble et doivent être repoussées. Le Lord Gullimort Frostgard veille sur ses terres gelées et inhospitalières depuis Monfaucon, à la tête des Rouges de Norgac, une troupe d’élite considérés comme infaillible dont il a lui-même été le prodige durant son adolescence.

Stanford est connue pour ses élevages de chevaux dans ses plaines, en particulier les très prisés Sultans blancs, et son exploitation de la tourbe dans ses marais, principalement pour le chauffage. Son chef-lieu Chançamont est également appelé « porte du nord » car il est incontournable pour se rendre dans les deux autres Lordens.

Le Lorden montagnard de Fonrinet extrait la majeure partie de l’acier et de l’or de l’Empire, sous la coupe de la maison Vancard de Brychalis. Toute la partie nord est constituée de vallées encaissées et de passes dangereuses, tout particulièrement durant la saison de la Guivre. À la pointe orientale de l’Empire se dresse Fortmatin, la dernière forteresse Impériale avant l’immensité de Sënn-Gar. Dans des terres plus accueillantes, les collines herbeuses autour de la ville de Phéris abritent quant à elles un grand nombre de ruches, produisant de grandes quantités de miel et de cire pour la confection de bougies.

Au sud, Tolémek est limitrophe avec les Marches d’Echönden et les territoires des Nains proches de Drôzor. Cette position privilégiée, et l’accès au Golfe Opalescent en tant que Lorden du sud, lui a également permis de développer un florissant commerce qui a propulsé Fiercueil à la place de troisième ville de l’Empire. Ces revenus conséquents permettent entre autres de mobiliser en permanence la Garde Pénale sur la frontière avec la terrible Côte de Malaka. Cette force armée puissante et austère est constituée de prisonniers purgeant leur peine et de soldats de carrière dont la famille Aultray a la charge depuis Garderonces. Il règne une tension constante le long du fleuve qui constitue la frontière, et les incursions trop courantes de créatures mangeuses d’hommes explique en grande partie la méfiance de ses habitants.

Au début du troisième millénaire, s’il y a bien un Lorden florissant, c’est celui d’Effendor. Dirigé d’une main de maître par la famille Cormatin, il possède des richesses naturelles diversifiées, une position commerciale extrêmement favorable et des lieux de culte attirant des pèlerins par milliers. Blézivent, la seconde ville de l’Empire, jouit d’une renommée sans pareille. Elle est la plaque tournante du commerce de tout le Golfe, offrant une porte d’entrée maritime aux métaux de Brizeval et au bois de Révolys qui a d’ailleurs permis de fabriquer la grande majorité de ses bateaux.

Les terres sèches et plates d’Abracaz possèdent l’unique accès de l’Empire avec la Mer des Rêves et la famille Rugissang veille fièrement sur la frontière orientale de l’Empire avec le territoire Féhéride.

Enfin, les grandes plaines Impériales de Glainrud abritent les deux plus grands lieux de pouvoir de tout l’Empire, reliés par la grande route Impériale qui traverse le Lorden : la capitale Heinburud et le domaine de la Confrérie avec en son sein la légendaire Tour Dorbéyaël. De par ses immenses plaines cultivables et son climat tempéré, Glainrud est le grenier à grain de l’Empire, alimentant toutes les grandes villes du nord comme du sud en blé, avoine et orge. Les pâturages sont également omniprésents, produisant lait et viande. Le pouvoir de l’Empereur est ainsi central, au sens propre comme figuré.

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La monnaie

La devise quasi exclusive d’Ilburia est le Kaar, qui se trouve également être la monnaie de l’Empire. En son sein, elle est considérée comme sacrée, et l’utilisation de toute monnaie alternative est sévèrement punie. La seule exception notable est l’utilisation des lettres de créance par les Lords et la Confrérie.

Il ne s’agit pas d’une monnaie frappée, mais fonctionne par échange de pierres lourdes, plates, lisses et opalescentes appelées Kaars, tout comme la devise elle-même. La valeur d’un Kaar (la pierre) dépend de sa circonférence : plus la pierre est grosse, plus elle a de la valeur, et ce de façon non linéaire. Un Kaar deux fois plus gros vaudra donc davantage que deux fois plus cher. Cette complexité rend les échanges commerciaux à grande échelle assez pointus et demande un outil de mesure de diamètre précis et fiable appelé Coulisse. De là vient d’ailleurs l’expression « payer en Kaars ronds et coulissants », qui signifie que l’on paye à l’aide de pierres particulièrement circulaires qui seront facilement mesurables à l’aide de la Coulisse.

Symbole monétaire du Kaar

Une pierre valant 1 Kaar (la monnaie) mesure environ 2cm de diamètre et permet d’acheter un gros pain de campagne. Une journée de travail dans les champs rapporte 10 Kaars. Les plus grosses pierres sont appelées Galos et peuvent valoir plusieurs centaines de Kaars.

L’origine de ces Kaars est entourée de mystères et date de l’Âge des Dieux. Elle a fait naître au fil du temps les rumeurs les plus folles. On raconte que l’Empereur exploiterait des gisements entiers sous Heinburud où s’activerait en secret une myriade d’ouvriers muets ; que les Nains auraient percé à jour le secret de leur fabrication en baignant du diamant dans du sang de Mage ; ou encore que le peuple du désert les trouverait dans les nids de créatures des sables…

Ce qui est certain en revanche, c’est qu’un Kaar est extrêmement solide. Aucun métal connu n’est capable d’en briser, pas même celui tombé des étoiles. Certains auraient voulu s’en servir pour créer des armes ou des armures, mais personne n’a jamais trouvé un moyen de le forger.

L’Or

Sur les terres de l’Empire, l’or est le métal des Dieux Jumeaux. Il est réservé à la décoration des lieux de culte et aux ornements représentant le divin. De fait, il est courant que les villes minières aient les églises les plus finement décorées, flanquées de statues resplendissantes. Une faible part de la production est allouée à la fabrication de bijoux et de parures, mais l’argent lui est préféré la plupart du temps.

La valeur de l’or est moindre que celle du fer, et fixée par un édit Impérial, empêchant toute spéculation (il est interdit de s’enrichir avec le métal des Dieux). L’Empire s’engage en outre à racheter systématiquement le surplus d’or disponible, et impose que toute mine découverte soit exploitée.

L’extraction de l’or, pécuniairement peu intéressante, et la direction des mines d’or peut même s’avérer être une corvée donnée à certaines familles en guise de punition. Le cas le plus célèbre est la famille Ventaigle de Locriant.

Le culte des Dieux Jumeaux

Tout Impérial, quel que soit son âge, son sexe ou sa classe sociale, croit fermement en les Dieux Jumeaux. Pour tous, leur existence est une évidence et leurs exploits consignés dans la Légende d’Ilburia sont réels – bien que certains érudits reconnaissent l’aspect métaphorique de certains passages.

Il y a de nombreuses façons d’honorer les Dieux, et le dogme en vigueur est relativement simple et facilement applicable par tous. Il est centré autour de quatre grands principes : la prière (remercier les Dieux), l’unité (faire prospérer l’Empire), la mémoire (connaître la « Légende d’Ilburia ») et la puissance (assurer l’hégémonie de l’humanité).

Chacun est tenu de remercier les Dieux Jumeaux quotidiennement. La prière, qu’elle soit en public ou solitaire, est commune si ce n’est systématique. Pratiquer la charité et contribuer à la grandeur de l’Empire sont également des pratiques reconnues comme vertueuses.

Les plus fortunés montrent également leur dévotion en faisant bâtir des sanctuaires, chapelles et temples à la mesure de leurs moyens et de leur zèle. Ces bâtiments sont lumineux, décorés de peintures et de fresques colorées. Les objets à l’intérieur sont souvent en or massif, et les coupoles sont parfois recouvertes de feuilles du même métal. Les temples abritent systématiquement des quartiers d’habitation pour les pèlerins et les citoyens Impériaux dans le besoin.

Il n’existe pas de clergé établi, bien que l’Empereur soit unanimement considéré comme le guide spirituel de l’Empire. Les représentants autoproclamés de la foi se sont humblement nommés « pèlerins » et vivent principalement de dons du restant de la population. Ils sont aisément reconnaissables par leurs habits brodés de liserés d’or. Leur doctrine est de s’occuper des temples en accueillant les fidèles et en leur venant en aide, c’est pourquoi un certain nombre d’entre eux sont herboristes ou guérisseurs. La prière est également une de leurs occupations principales. L’autre aspect important de leur office est d’apprendre à lire aux plus jeunes, rendant à tous accessible la connaissance du livre sacré.

Toutefois, en plus de ces actes altruistes, certains pèlerins n’hésitent pas à honorer une autre facette des Dieux Jumeaux : le châtiment des hérétiques et des apostats. Car, il ne faut pas l’oublier, les Dieux prônaient avant tout l’hégémonie humaine et une dévotion sans faille envers Leurs illustres personnes. Un manquement à Leurs commandements est pardonnable, mais des insultes répétées à Leur grande œuvre en toute connaissance de cause mèneront à une punition exemplaire. C’est bien souvent la mort, ou pour les plus chanceux une longue repentance à casser des cailloux dans des carrières de « redressement ».

La réticence au progrès

Toute forme d’avancée technologique ou de changement majeur est mal vu dans l’Empire, voire complètement rejetée. Chaque citoyen Impérial n’hésitera pas à clamer haut et fort que le temps béni où les Dieux Jumeaux étaient parmi les Hommes a été la meilleure période jamais vécue, et que tout ce qui pourrait éloigner l’Empire de cet Age de Diamant doit être évité. Cette aversion au changement est bien ancrée dans les mœurs, si bien que la technique n’a guère évolué depuis ce temps-là.

Toutefois, ce rejet du progrès n’est pas seulement dogmatique ou issu de traditions éculées ; il est également historique. En effet, à chaque fois que l’Empire a dû traverser une crise d’envergure, ce ne fut jamais de nouvelles découvertes qui lui offrirent le salut, mais bien ses institutions millénaires — essentiellement la Confrérie des Mages —, son unité et sa foi qui lui permirent d’en sortir.

Ainsi, la vie quotidienne des Impériaux n’a guère évoluée en trois mille ans, et la majorité de ce qui existe ici et maintenant existait déjà en ce temps révolu. On peut ainsi dire que l’Empire est ainsi baigné dans une forme de « stagnation agréable ».

La poste

L’Empire est vaste, et y voyager s’avère long et parfois périlleux. Afin de pouvoir échanger des objets, il est possible d’envoyer un coursier monté qui ira les porter jusqu’à son destinataire. Toutefois, il y a toujours un risque que le coursier ait un problème sur la route et, bien que la plupart des coursiers soient de fougueux cavaliers, le trajet reste assez long.

Pour porter des messages en revanche, les Impériaux ont trouvé une méthode bien plus rapide : les Corbax. Ces volatiles d’un noir de jais et dotés d’échasses ont la particularité de ne pas pouvoir facilement varier leur régime alimentaire. Cette spécificité serait restée une curiosité absconse si les Corbax n’avaient pas également une mémoire quasi infaillible de l’endroit où ils ont mangé chaque type de nourriture. Ainsi, il suffit d’enfermer un Corbax dans une cage et de le nourrir (avec parcimonie) avec quelques graines bien spécifiques, après l’avoir préalablement habitué à en manger dans une autre ville pour que ce dernier y retourne le plus vite possible. Certains des Corbax les plus âgés ont été entrainés pour retourner à une dizaine d’endroits différents. Malheureusement, afin qu’ils ne puissent pas se nourrir par eux-mêmes ailleurs, les Impériaux coupent le bout du bec de leurs Corbax ; ce que leurs détracteurs n’hésitent pas à considérer comme une mutilation barbare.

Enfin, on raconte que certains lieux isolés de l’Empire possèdent des artefacts Magiques permettant de communiquer instantanément sur des distances inouïes ; mais un tel secret est bien gardé…

Une vie dans l’Empire

Un enfant Impérial atteint sa majorité à dix-sept ans, mais il commence à travailler bien avant, aux champs avec ses parents, en tant qu’apprenti auprès d’un maître artisan, ou encore comme écuyer au service d’un chevalier pour les plus éduqués. En parallèle, souvent en début de matinée ou en fin d’après-midi, il suit des cours de lecture, d’écriture et d’histoire (qui est indissociable du culte des Dieux Jumeaux), dispensés par un pèlerin. Les plus fortunés ont droit à un précepteur particulier qui leur enseigne la littérature, la géographie, les mathématiques, et quelques sciences. La vie est rude et la mortalité infantile élevée, surtout en dehors des grandes villes.

À partir de trente-cinq ans, le labeur ou les combats ont sérieusement affecté la santé d’un citoyen Impérial, et il commence à se faire vieux. S’il n’est pas fortuné, il doit compter sur sa descendance pour subvenir à ses besoins. L’espérance de vie excède rarement la soixantaine – sauf pour les Mages bien entendu.

Les voyages et leurs dangers

Certaines affaires nécessitent d’être réglées en personne, et il n’est pas rare de voir des marchands et voyageurs sillonner les routes de l’Empire. Les saisons les plus clémentes que sont la Dryade et le Dragon sont les plus propices aux longs voyages, et le commerce y est d’autant plus effervescent.

De passage dans une ville, loin de chez lui, le voyageur fourbu pourra se diriger vers une auberge accueillante et, pour quelques Kaars, avoir de quoi manger, boire et dormir jusqu’à son départ le lendemain. De tels établissements possèdent typiquement une vaste salle commune au rez-de-chaussée où une vaste cheminée fait danser de hautes flammes toute la soirée durant, réchauffant les voyageurs du repas à la veillée, propice aux chants, à la musique et à d’autres distractions. En haut, les chambres non chauffées attendent le dormeur éreinté avec des lits hauts et confortables, où plusieurs couvertures en fourrure et un bonnet de nuit en laine le protégeront du froid pendant son sommeil. Le restant du mobilier est très sommaire, constitué d’une malle où entreposer ses affaires et éventuellement d’un bureau éclairé par une chandelle vacillante où traîne un exemplaire de La Légende d’Ilburia aux pages écornées.

Lors des haltes dans les villages campagnards, il n’y a bien souvent pas de chambres individuelles, et il faut s’estimer heureux lorsque les paillasses du dortoir spartiate ne sont pas infestées de puces. Quelquefois, en absence d’auberge, il faut s’en remettre aux paysans qui, sous le signe de l’hospitalité, accueillent joyeusement à leur propre table les étrangers de passage et leur font une place à l’écurie. L’odeur n’y est pas des plus agréables, mais force est de

constater que la chaleur animale tient le froid en respect en dehors de ses murs.

Si les cités de l’Empire sont des lieux sûrs, il n’en est pas de même pour les endroits reculés et sauvages. Ilburia regorge de créatures étranges, dont certaines ne se privent pas pour s’en prendre aux humains — isolés ou non. Les forêts sont des lieux particulièrement hostiles, héritage funèbre du temps où elles étaient toutes sous la domination des Féhérides. Elles sont infestées de loups et de Warx qui ne craignent ni l’Homme ni le feu, et n’hésiteront pas à attaquer une fois la nuit tombée. Il est particulièrement conseillé de se déplacer en groupe, de rester vigilant et de toujours garder ses armes à portée de main — juste au cas où.

Le bestiaire du continent est très riche, mais il est difficile de faire la part des choses entre véritables animaux et affabulations de villageois. Si les aventuriers les plus chevronnés savent que les Morfex ne sont pas des histoires de bonne femme, qui dit que les dragons des textes anciens ne sont pas réels ? Et des légendaires oiseaux de foudre du Pic des Mille Tonnerres ?

Lorsque certains monstres sortent des forêts ou descendent des montagnes en bandes pour s’en prendre aux Impériaux, les familles protectrices influentes arment leurs hommes et partent à l’assaut pour tailler en pièces la menace. Toutefois, il arrive que la situation devienne hors de contrôle, et la Confrérie prend alors le relais…

Au-delà des frontières de l’Empire, l’hégémonie humaine est reléguée au rang de concept abstrait. Que ce soit en Malaka ou dans les Terres Brunes, tout voyageur a intérêt à se faire des plus discrets — ou à être lourdement armé — s’il veut avoir une chance de survivre à son périple.

Forboisel, à la lisière de la Forêt de Bruissante